La palette de Pierre

La palette de Pierre

La grue et le héron cendré

 

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La grue et le héron cendré

 

 

Un héron de prestance dorée

Gouvernait, non sans grand festival.

Une grue faisant face au borée

Se targuait d’humilier ce rival.

 

Vint à point en repli des froidures

La colonie d’oiseaux dénichés,

S’amusant des oranges bordures

Des poutrelles aux reflets affichés.

 

Flattée, la grue offrit l’avantage

De sa flèche, engageante portée.

Se disant non sans quelque chantage

Que le vent ne l’aurait déportée.

 

Le héron, délicate attention

Contourna la couronne élancée.

Puis fixa sa sombre prétention

En contre-flèche ainsi balancée.

 

Ce héron, n’en déplaise à la grue

Prétendait être seul bien-aimé.

Sa cour ne manquant pas de recrue,

Il prévint qui aurait blasphémé :

 

Ainsi, je dispose de ton sort

Et j’équilibre les destinées.

Je ne suis pas le Prince consort,

Je détruirai les plumes obstinées.

 

Ne suis-je pas ici votre roi ?

De moi seul, la lointaine épopée,

Ne résonne que si mon beffroi,

Vers les cieux, projette la flopée.

 

Respect, fidélité, oisillons !

Allégeance, jura la nichée !

Nul ne peut quitter les croisillons

De la grue dont vous êtes entichée.

 

Sitôt juré, la nuée parjure,

Priant la grue d’apporter son aide,

Et du héron, que chacun abjure

Sournoisement, interdit qu’on plaide.

 

Lors, la grue pivota doucement.

Trop d’oiseaux s’assoupirent bercés.

Altérés, fatal émoussement,

Haubanages et balancier percés.

 

La grue se délectait du spectacle.

Tourne le tourbillonnant manège.

Dorment les oisillons sans obstacle,

Vacille le héron pris au piège.

 

N’ayant d’autre refuge à la nasse,

Tournoie le héron déboussolé,

Prend son envol devant la menace,

Perd sa couronne, l’inconsolé.

 

Mais courte victoire cependant,

Dame grue n’ayant point supposé,

Que du poids l’ensemble dépendant,

Sans le héron, chute à l’opposé.

 

Mais quel avantage assurément ?

De ses poutrelles s’exposant nues,

Sans condition, au désagrément

De vendre ses charmes aux ingénues.

 

Morale :

 

Qui veut tout régenter sans partage

En s’entourant de complimenteurs,

Sera défait par le colportage,

 Des félons et des bonimenteurs. 

En politique,

Et sans nul doute,

Cela s’applique,

Quoiqu’il en coûte…

 

 

  

Pierre Barjonet

Septembre 2014



18/09/2014
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